En clair

Tout savoir sur l’exonération du photovoltaïque en Wallonie

Par Christine Scharff

Lundi 29 avril, la commission énergie du parlement wallon a renvoyé au Conseil d’Etat le texte qui devait exonérer les installations photovoltaïques existantes du tarif prosumer. Décodage en 7 questions de l’impact sur les propriétaires, actuels ou futurs, de panneaux photovoltaïques.

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Les questions

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Pourquoi l’exonération des installations existantes est-elle remise en question ?

Jean-Luc Crucke (MR), ministre wallon de l'énergie.

Le ministre wallon de l’énergie, Jean-Luc Crucke (MR) entend exonérer du tarif prosumer les quelque 150.000 ménages qui ont déjà installé des panneaux photovoltaïques sur leur toit. Pour lui, ce tarif ne doit s’appliquer qu’aux futures installations, pour éviter ce qu’il considère comme un effet rétroactif. Mais la décision, prise à quelques encablures des élections, n’a pas pu être avalisée par le Parlement, le gouvernement Borsus ayant perdu sa majorité suite au départ de la députée libérale Patricia Potigny pour les listes Destexhe.

Après de multiples palabres, un renvoi au Conseil d’Etat – qui avait refusé de traiter le texte en urgence – a finalement été décidé lundi soir. «Une démocratie gagne toujours à ne pas essayer de passer par la force», a commenté le ministre.

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Cette exonération sera-t-elle adoptée plus tard ?

Le parlement wallon.

C’est la grande inconnue. Tout dépendra de la composition de la future majorité. Le MR y tient. Le PS a clamé haut et fort tout le mal qu’il pensait de cette exonération, mais a finalement déposé un amendement qui prévoit que les installations existantes seront exonérées de cette contribution au réseau durant 15 ans – alors que le décret du ministre Crucke prévoit que ce soit sur toute la durée de vie de l’installation.

Et même si le décret est adopté après les élections, son application reste incertaine : la Cwape, le régulateur wallon du secteur énergétique, estime en effet que cette exonération porte atteinte à sa compétence tarifaire, et a annoncé qu’elle irait très vraisemblablement en recours contre une telle décision si elle est adoptée. Le ministre Crucke, lui, affirme que l’exécutif et le législatif sont dans leur rôle de définition des lignes directrices, comme le prévoient les directives européennes.

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Qu’est-ce que le tarif prosumer?

Le tarif prosumer, c’est un tarif qui doit faire contribuer aux frais de réseau les prosumers, c’est-à-dire les producteurs qui sont aussi consommateurs. Il va s’appliquer essentiellement aux propriétaires de panneaux photovoltaïques, mais aussi à de petites installations éoliennes, hydrauliques ou de cogénération.

Pour l’instant, avec le système du compteur qui tourne à l’envers, les prosumers ne paient des frais de réseau que si au bout de l’année, ils ont consommé davantage d’électricité qu’ils n’en ont produite, et seulement sur les kilowattheures nets qu’ils prélèvent sur le réseau. Une situation qui n’est pas équitable, estime la Cwape. Elle a donc décidé l’entrée en vigueur d’un tarif prosumer au 1er janvier 2020.

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À combien va s’élever ce tarif?

Les propriétaires d’installations photovoltaïques auront le choix entre deux formules: soit une formule forfaitaire, basée sur la capacité de leur installation, soit le paiement des frais de réseau et des surcharges sur tous les kilowattheures bruts réellement prélevés sur le réseau tout au long de l’année, quand leurs panneaux ne produisent pas suffisamment pour couvrir leur consommation.

Ceux qui optent pour la deuxième formule doivent demander à leur gestionnaire de réseau d’installer un compteur double flux – une installation facturée 150 euros hors TVA. C’est intéressant pour ceux qui ont un taux d’autoconsommation élevé, c’est-à-dire qui font tourner surtout leurs appareils électriques quand leurs panneaux produisent.

La Cwape a toutefois prévu que jusqu’en 2023, ceux qui optent pour le compteur double flux ne paieront pas plus cher que ceux qui ont choisi le tarif capacitaire. Un tarif capacitaire qui, pour une installation de 5 kWe, varie entre 334 et 493 euros par an selon le gestionnaire de réseau dont on dépend.

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Faut-il se dépêcher pour installer des panneaux?

Dans un premier temps, il était prévu que l’exonération concernerait les installations agréées avant le 1er juillet 2019. Il y a donc eu ruée sur les panneaux photovoltaïques en Wallonie, et les carnets de commande des installateurs débordent. Mais cette date butoir a disparu du texte envoyé au Conseil d’Etat : si exonération il y a, elle concernera toutes les installations agréées avant le 1er janvier 2020.

Même si cette exonération est loin d’être certaine, ceux qui envisagent d’installer des panneaux photovoltaïques ont donc intérêt à le faire avant le 1er janvier 2020. Si le décret est adopté et que les recours sont rejetés, une nouvelle installation sur un toit bien orienté rapportera 6 à 8% par an, selon les calculs de l’Apere, l’association pour la promotion des énergies renouvelables. Mais même avec le tarif prosumer, la rentabilité est encore de 4 à 6% par an, selon l’Apere. Même si ces estimations sont peut-être un peu optimistes, cela rapporte nettement plus qu’un compte d’épargne.

À lire également: Investir dans les panneaux photovoltaïques en 9 questions.

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Quelle est la situation à Bruxelles?

Contrairement à ce qui se passe en Wallonie, à Bruxelles, les nouvelles installations photovoltaïques bénéficient encore d’un soutien sous forme de certificats verts particulièrement généreux. L’investissement dans des panneaux y est donc encore plus rentable qu’en Wallonie, même si la suppression de la compensation est prévue dans le courant de l’année 2020.

Pour l’instant, comme en Wallonie, les propriétaires de panneaux bénéficient du principe du compteur qui tourne à l’envers: au bout de l’année, ils ne paient que les kilowattheures nets prélevés sur le réseau. Quand la compensation sera supprimée, ils devront payer l’entièreté des kilowattheures bruts réellement prélevés sur le réseau tout au long de l’année. Et la facture ne comportera pas seulement les frais de réseau, mais aussi le prix de l’électricité elle-même. La mesure est facile à mettre en œuvre, toutes les installations bruxelloises étant déjà équipées d’un compteur double flux. L’impact est estimé à quelque 400 euros par an, en moyenne.

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Et en Flandre?

La Flandre n’octroie plus de certificats verts, et a déjà introduit le tarif prosumer, qui est fonction de la puissance de l’installation. Il varie, selon l’endroit où l’on habite, entre 386 et 546 euros par an pour une installation de 5kW.

L’arrivée du compteur intelligent pourrait changer les choses. Mais tous ceux qui ont installé des panneaux avant 2020 profiteront encore durant 15 ans du principe du compteur qui tourne à l’envers.