En clair

Comprendre l’affaire Nethys en quatre questions

Par Maxime Vande Weyer

La pieuvre, la nébuleuse, la galaxie. Qu’importe la forme qu’on lui prête, Nethys se retrouve au coeur d’un scandale qui secoue le sud du pays depuis plusieurs mois. Décodage d’une affaire opaque et résolument liégeoise.

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Les questions

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Nethys, c’est quoi ?

La galaxie Nethys.

Nethys, précédemment connu sous le nom de Tecteo Services, est un holding liégeois appartenant à l’intercommunale Enodia (ex-Publifin).

Depuis le mois de mai 2018, Nethys est divisé en deux pôles.

D’un côté, on retrouve les activités dites d'“intérêt général”, c’est-à-dire les participations dans des grandes infrastructures publiques, parmi lesquelles le fonds d’investissement liégeois Noshaq (ex-Meusinvest), Liege Airport ou le holding public Socofe.

De l’autre, Nethys regroupe, à travers ses filiales, des activités dites “concurrentielles”. Ici, le holding est actif dans les secteurs de l’énergie (Elicio), des télécoms (VOO), des assurances (Integrale), de la presse (L’Avenir) et de l’informatique (Win). C’est précisément ce pôle qui est concerné par l’“affaire” (voir question 3).

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Comment l’“affaire” a-t-elle commencé ?

Pour comprendre l’“affaire Nethys”, il faut remonter à décembre 2016 et à l'“affaire Publifin”.

Publifin, aujourd’hui rebaptisée Enodia, est la maison mère de Nethys. C’est une intercommunale qui a pour principaux actionnaires la Province de Liège et 76 communes de l’entité provinciale. Par intercommunale, il faut comprendre une société publique créée et détenue par des communes et vouée à poursuivre des missions d’intérêt communal.

Le scandale des comités de secteur

En décembre 2016, le scandale des comités de secteur éclate. Il est révélé que plusieurs mandataires politiques liégeois touchent d’importantes sommes de la part de Publifin pour des réunions de comités de secteur auxquelles ils ne participent que très peu, voire pas du tout.

L’enquête parlementaire

Des suites de cette affaire, une commission d’enquête est créée au sein du Parlement wallon. Les structures de Publifin et de Nethys sont vouées à être revues, pour plus de transparence, et un décret gouvernance est voté.

Concrètement, les conclusions de la Commission d’enquête Publifin poussent Nethys à vendre ses actif concurrentiels. Et le décret gouvernance impose la validation de sa maison mère, Enodia, sur chaque vente ou acquisition éventuelle.

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Quel est le problème ?

Mandaté par sa maison mère, le conseil d’administration de Nethys est donc chargé de revendre les actifs du holding soumis à la concurrence.

C’est ici que le bât blesse. Les ventes auraient, en effet, été réalisées sans l’aval d’Enodia et dans des conditions ne permettant pas de garantir un prix optimal ni la protection de “l’intérêt général”.

En vertu des pouvoirs lui étant conférés par le décret gouvernance, le ministre de tutelle Pierre-Yves Dermagne (PS) a décidé de casser les ventes d’Elicio, VOO et Win, le 6 octobre 2019. Il reproche au conseil d’administration de Nethys, entre autres, l’absence de processus de mise en concurrence dans le cas des ventes de Win et Elicio et les conditions dans lesquelles s’est déroulée la vente de VOO.

Rappel des opérations :

VOO

51% des parts de l’opérateur telco ont été revendues en catimini à la société de capital-investissement américaine Providence le 23 mai 2019, soit un jour avant le 24 mai 2019, date à partir de laquelle Nethys estimait devoir obtenir l'avis conforme de sa maison mère. Enodia n’a donc pas été consultée.

Elicio

La filiale spécialisée dans l’énergie renouvelable avait été cédée pour deux euros symboliques à Ardentia, une société créée par l’homme d’affaires liégeois - et administrateur de Nethys - François Fornieri. Ardentia a renoncé à l’acquisition d’Elicio le 23 octobre 2019.

Win

Le fournisseur de services IT avait été vendu à Ardentia Tech, autre société créée par François Fornieri. Ardentia a renoncé à cette reprise le 23 octobre 2019.

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Qui sont les acteurs clés ?

Stéphane Moreau

Le visage de l’affaire. L’ancien bourgmestre d’Ans Stéphane Moreau était, jusqu’à son licenciement le 18 octobre 2019, l’administrateur délégué de Nethys. Il aurait touché 12 millions d’euros d’indemnités de départ.

Pierre-Yves Dermagne

Le chevalier blanc. Ministre wallon des Pouvoirs locaux et ministre de tutelle d’Enodia, Pierre-Yves Dermagne (PS) a débranché la prise de la cession des actifs concurrentiels de Nethys en “cassant” les ventes d’Elicio, VOO et Win le 6 octobre 2019.

Muriel Targnion

La protectrice. Elle a récemment démissionné de ses mandats de présidente du conseil d’administration et d’administratrice d’Enodia. Muriel Targnion (PS) était considérée, par certains membres du CA et de son parti, comme la protectrice des agissements du management de Nethys. Depuis, elle a été remplacée par Julie Fernandez Fernandez (PS).

François Fornieri

L’opportuniste. Le patron de Mithra a joué un rôle ambigu dans la cession des actifs de Nethys. Administrateur du holding au moment des ventes, François Fornieri était également candidat, par l’intermédiaire de ses sociétés Ardentia et Ardentia Tech, à la reprise d’Elicio et de Win. Depuis, il a retiré ses offres.

Jean-Pierre Hansen, Bernard Thiry et Laurent Levaux

Les sages. Jean-Pierre Hansen, Bernard Thiry et Laurent Levaux ont été désignés le 9 octobre 2019 pour remplacer le conseil d’administration démissionnaire de Nethys. Ils sont chargés deremettre le holding sur les rails et de remplacer le management après les licenciements de Stéphane Moreau, Pol Heyse et Bénédicte Bayer. Leur première action a été de nommer, à titre intérimaire, le patron de la Sogepa, Renaud Witmeur, comme président du comité de direction de Nethys.

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