Je reviens du monde virtuel… Je vous emmène?

Vous ne comprenez rien à la réalité virtuelle, augmentée ou 3D? Au début, moi non plus, mais grâce à Christophe Hermanns, c’est beaucoup plus clair. Je vous explique et surtout je vous montre.

Par Nicolas Becquet

Programmation: Raphael Cockx - Vidéo Dirk Selleslagh - Photo: Anthony Dehez

Le rendez-vous est fixé à 10h, 61 rue Rogier, à Namur. Une large vitrine laisse entrevoir un lieu hybride, en mezzanine, à mi-chemin entre une boutique, un showroom, des bureaux et une salle de jeux.

Bienvenue au Replication Center, le siège de la société Vigo Universal. Constellés d’écrans dernier cri, les locaux sont flambants neufs. De l’autre côté de la rue, on aperçoit un bâtiment à la devanture noircie par le feu. Le 21 janvier dernier, un incendie ravageait les trois étages des anciens bureaux de l’entreprise, emportant avec lui plusieurs milliers d’euros de matériel.

Mais qu’à cela ne tienne, Christophe Hermanns, le patron-fondateur, n’est pas du genre à baisser les bras. En à peine un mois, tout est reconstruit, en plus grand, juste en face, grâce à un financement participatif, notamment. C’est lui qui m’accueille.

À l’image du lieu, son parcours est multifacettes: tour à tour ingénieur, programmateur, artificier et spécialiste en reconstitution historique. Ne vous fiez pas à son look de musicien rock, long pull noir et queue de cheval, Christophe Hermanns est un businessman, doublé d’un visionnaire.

Il est à la tête d’une entreprise hybride dont l’objectif principal est d’explorer le potentiel des nouvelles technologies numériques. Ses projets atypiques lui ont valu quelques déconvenues auprès des investisseurs et de la Région wallonne notamment qui peinaient à comprendre sa vision stratégique. Mais aujourd’hui, il est parvenu à lever un million d’euros, avec à ses côtés des partenaires solides comme Barco et Wallimages. L’entreprise compte aujourd’hui cinq équivalents temps plein pour un chiffre d’affaires proche des 300.000 euros. Les effectifs devraient tripler en 2016.

Les activités de recherche et développement sont financées par les pôles événementiel et communication. Grâce à cette structure, l’entreprise maîtrise toute la chaîne de production et de distribution. Elle est donc en mesure de concevoir, de réaliser et de vendre des programmes informatiques pour des jeux vidéo et d’accomplir des travaux de numérisation ou d’impression 3D.

Visitez les lieux, à 360°

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Sauter d'un immeuble

Les présentations étant faites, entrons dans le vif du sujet. Christophe Hermanns me propose de sauter d’un immeuble, rien que ça. Mais avant, sage précaution, il me harnache à une structure métallique avant de me tendre un casque de réalité virtuelle.

Ce sera ma première expérience de réalité virtuelle sans avoir les pieds qui touchent le sol!

Saut dans le vide

Une expérience convaincante, plutôt réaliste, notamment grâce aux ventilateurs qui simulent une sensation de chute libre.

Cette installation, qui couple une expérience virtuelle et une sensation réelle, n’est pas destinée qu’au jeu ou au divertissement, elle sert également dans un cadre thérapeutique pour soigner des personnes souffrant du vertige. En trompant le cerveau, ce dispositif permet de ressentir des sensations et des émotions potentiellement pathogènes dans un cadre maîtrisé.

A travers les lunettes de réalité virtuelleA travers le casque de réalité virtuelleLes applications professionnelles de la réalité virtuelle semblent sans limite et la médecine est aux avant-postes. Des chirurgiens préparent déjà certaines opérations délicates sur des simulateurs. L’architecture et l’aéronautique sont aussi des secteurs porteurs, sans compter le monde de la formation professionnelle ou le commerce en ligne.

La réalité virtuelle n'est donc pas réservée qu’aux amateurs de jeux vidéo, même si, à l’heure actuelle, ce secteur représente la plus grande manne financière. Le marché mondial de la réalité virtuelle va atteindre 5,1 milliards de dollars cette année et devrait doubler l'an prochain à 10,9 milliards, selon la société spécialisée TrendForce. Casques, caméras, contenus, plateformes d’achats, accessoires, logiciels… c’est un marché technologique inédit qui émerge.

Dans la peau d'un gardien de but

Jeu de foot

Il y a deux ans, Facebook investissait 2 milliards de dollars pour racheter la société Oculus, à l’origine d’un casque et d’applications de réalité virtuelle. Il y a quelques semaines, Mark Zukerberg annonçait une nouvelle révolution, celle de la réalité virtuelle sociale, soit la possibilité de vivre des expériences communes avec vos amis ou votre famille dans un monde artificiel.

Réalité virtuelle ou augmentée?

Les casques de réalité virtuelle immergent totalement les utilisateurs dans un monde virtuel, tandis que les appareils de réalité augmentée superposent des informations numériques sur la scène que la personne regarde au travers d’une caméra d’un appareil mobile (tablette, smartphone, lunettes spéciales...).

Que ce soit Tim Cook, PDG d’Apple ou Eric Schimdt pour Google, toutes les grandes entreprises technologiques ont emboîté le pas de Mark Zukerberg.

«2016 marque l’année zéro de la réalité virtuelle, l’année du début de son succès – ou de son échec – commercial, explique Jérôme Dérozard, consultant et entrepreneur. Les géants du secteur disposent de quelques mois pour «éduquer» le marché et attirer développeurs et fournisseurs de contenus avant le premier test du marché que constituera la période des fêtes. Nous saurons alors si l’adoption de la réalité virtuelle va suivre celle des consoles de jeu vidéo à la fin des années 1970, l’ordinateur personnel au milieu des années 1980, le mobile à la fin des années 1990 ou le smartphone à la fin des années 2000.»

Pour les fabricants, il s’agit d’une formidable occasion de relancer un marché en stagnation, celui du smartphone, en relançant la course à la performance. Mais la bataille se jouera principalement sur la distribution des contenus, la prime revenant à celui qui parviendra à proposer le plus large catalogue d’expériences inédites, comme la diffusion de matchs de foot à 360°, au plus près des joueurs.

Mais à l’heure actuelle, acheter un casque de qualité reste cher, 600 euros en moyenne, sans compter que les contenus sont rares et l’accès à ces expériences encore compliqué.

Une réalité augmentée

Un autre secteur se développe, celui de la réalité augmentée. Contrairement au monde fermé que proposent les casques de réalité virtuelle, elle intègre directement les informations visuelles dans notre environnement, celui de notre salon, de notre bureau, d’un jardin ou d’un monument historique.

L'histoire de Paris racontée en trois dimensionsL'histoire de Paris racontée en trois dimensions. © Dassault Systèmes/ FlamarionLe tourisme figure parmi les secteurs qui pourraient profiter de cette technologie pour proposer aux visiteurs d’un musée ou d’une ville, des informations supplémentaires sous la forme d’une surcouche visuelle, lorsqu’ils passent devant un tableau ou un bâtiment remarquable.

Mais pour l’instant, les investissements les plus importants interviennent dans le sport, le basket et le football américain notamment. Regarder un match en trois dimensions sur votre table basse, de la science-fiction? Peut-être pas. Microsoft y travaille, comme le montre cette image issue d'un clip publicitaire vantant les mérites (futurs) de ses lunettes Hololens.

Retour à Namur pour une démonstration de réalité augmentée

Découvrir un monde caché à travers un écran

Prochaine étape, entrer dans le monde virtuel grâce à un avatar.

Le robot

Du réel au virtuel, en 5 étapes

Après avoir sauté d’un immeuble, arrêté quelques buts, tué des zombies et découvert les possibilités de la réalité augmentée, il est donc temps pour moi de me faire scanner de la tête au pied. L’objectif? Reproduire mon corps en trois dimensions pour donner vie à mon avatar, mon double numérique qui m’ouvrira les portes des mondes virtuels.

Pour ce faire, Christophe Hermanns me conduit devant une cabine, un «photomaton» haute technologie, le 3DBodyScan. Le patron de Vigo Universal est fier de son joujou dernier cri et il y a de quoi, cette cabine est tout simplement la plus performante d’Europe et ses prouesses ont fait sensation jusqu’à la Silicon Valley.

Composée de 90 appareils photo, cette cabine vous scanne en trois dimensions en une fraction de seconde. À la sortie, une photo d’identité intégrale composée de 1,6 milliard de pixels permettant une reproduction fidèle d’un corps ou d’un objet. Une résolution plus grande que celle du satellite Hubble.

1- Entrer dans cette cabine

Christophe Hermanns vous propose une visite du 3DBodyScan:

2- Se faire scanner

3- Assembler les 90 images

Le processus de reconstruction de l'image en trois dimensions

4- Le résultat, sous toutes les coutures

By 3DBodyScan on Sketchfab

Ce modèle hyper détaillé peut désormais être imprimé en 3D, sous la forme d’une statuette à mon effigie. Mon avatar peut également être intégré dans un jeu vidéo, une application de réalité virtuelle ou augmentée, servir pour la réalisation d’effets spéciaux ou dans un cadre médical.

5- Mon avatar est prêt et il danse (bien mieux que moi)

Quand un avatar prend vie

Grâce à mon avatar, je peux désormais intégrer des mondes virtuels ou des forums de discussion. C’est précisément le rêve de Mark Zukerberg. Par l’intermédiaire d’un Facebook 3.0, il souhaite que les internautes puissent se réunir et partager des expériences dans un espace social virtuel. Le milliardaire rêve d’inventer un «Second life» du XXIe siècle, un gigantesque marché en ligne sous la forme d’un réseau social dématérialisé.

En attendant l’émergence de ce nouveau monde, retournons aux applications réelles et tangibles de mon nouvel avatar, grâce à l'impression 3D. Suivez le guide.

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Figurines 3D

De retour au réel, grâce à l'impression 3D

Et voici le résultat, une statuette de 15 centimètres. Si les détails des vêtements et des motifs des tissus sont très bien restitués, le visage, lui, manque encore de netteté. La qualité du scan dépasse encore les capacités des imprimantes 3D disponibles.

Bobines de fil pour l'impression 3DBobines de fil pour l'impression 3D reproduisant le plastique, le bois ou des matériaux alimentaires.L’une des activités de Vigo Universal consiste à numériser des objets existants ou d’en créer de toutes pièces à la demande de particuliers, d’ingénieurs ou d’industriels.

Pour se faire, l’entreprise dispose d’une «ferme d’impression»: 30 imprimantes FDM capables de produire de 500 à 1.000 pièces par série. Couche par couche, épaisse d’un dixième de millimètre, la machine construit des objets à la chaîne en déposant de la matière fondue.

Dans les coulisses de Vigo Universal

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Sauvegarde du patrimoine culturel

L’impression 3D est un marché en pleine croissance, il a augmenté de 25,9% en 2015, pour atteindre 5,1 milliards de dollars. La vente de machines à des particuliers se porte particulièrement bien. L’année dernière, les modèles coûtant moins de 5.000 dollars se sont vendus à 278.000 exemplaires dans le monde.

Statue de chevalCe moulage d'un cheval a été réalisé pour un musée désireux de préserver l'original. Un modèle miniature est désormais disponible à la boutique de souvenirs.Vigo Universal s’impose petit à petit comme le spécialiste de la sauvegarde et de la promotion du patrimoine historique.

Que ce soit pour prévenir les vols de statues ou d’objets liturgiques dans les églises par la création de copies ou pour garder une trace d’œuvres en décomposition, les demandes de particuliers et de conservateurs de musée se multiplient.

Les architectes peuvent désormais vous proposer un modèle en trois dimensions de votre future habitation, intérieur et extérieur compris. Comptez près de 1.000€ pour obtenir une maquette réaliste, comme celle ci-dessous, avec le mobilier, la décoration, la couleur des murs et les aménagements extérieurs.

Votre projet immobilier en 3D

Application industrielle et prototypage

L’autre grande activité du Replication Center consiste à créer des prototypes d’objets. Un «prototypage rapide» rendu possible grâce aux imprimantes 3D. Une révolution qui permet de larges économies aux entreprises ou aux particuliers qui souhaitent améliorer ou créer une nouvelle pièce pour une machine ou un usage spécifique.

Aujourd’hui, lorsqu’un ingénieur souhaite créer un prototype, il doit passer par plusieurs phases coûteuses: conception, fabrication d’un moule (à partir de 15.000 €) et la production d’au moins 10.000 exemplaires de l’objet en question, pour un résultat qui n’est pas toujours satisfaisant ou en tout cas améliorable.

En utilisant une imprimante 3D, ce processus est largement raccourci et permet des raffinements successifs à moindre coût. Autre avantage, les formes obtenues sont modulables à l’infini. Si vous être architecte d’intérieur et que vous souhaitez des équerres dont l’angle est 76 degrés, vous pouvez facilement la faire fabriquer et il n’est plus nécessaire que cet objet soit déjà proposé sur les étals d’un magasin de bricolage.

Cette nouvelle méthode de travail change profondément le rapport à l’innovation et à l’amélioration des processus de production. Et c’est précisément l’objectif de Vigo Universal, braquer les projecteurs sur les perspectives inexplorées des nouvelles technologies numériques en travaillant main dans la main avec des inventeurs, des industriels, des écoles et des universités.