Chaque année, L’Echo se plonge pour vous dans les comptes annuels des institutions hospitalières bruxelloises et wallonnes. Et vous dit tout sur la santé financière de votre hôpital. Suivez le guide.
C’est une habitude que nous avons prise en 2018: inspecter annuellement les données financières, issues des comptes annuels ou des rapports de gestion, des 37 hôpitaux bruxellois et wallons – dont certains comptent plusieurs implantations, rassemblées sous une même coupole. Nous nous focalisons sur les hôpitaux généraux, laissant de côté les institutions psychiatriques ou spécialisées. L’objectif? Ausculter leur santé financière, que l’on sait précaire, et suivre son évolution.
Nous avons dû laisser cette habitude de côté l’an passé, épidémie de coronavirus oblige. Mais nous la retrouvons cette année, pour nous pencher au chevet du cru 2020. Avec d’autant plus d’intérêt que cela nous permet de voir comment les institutions de soins ont traversé, d’un point de vue financier, la déferlante Covid-19 – ou, du moins, sa première saison.
ENSEIGNEMENT 1
On le sait, humainement, 2020 aura été une année plus qu’éprouvante. Ce qui ne se reflète, par contre, aucunement dans les comptes publiés par les institutions hospitalières à la centrale des bilans abritée par la Banque nationale. Financièrement parlant, l’allure générale du cru 2020 ressemble à celle de 2019. “La situation est globalement similaire”, confirme Yves Smeets, à la tête de la fédération d’institutions de soins Santhea.
Cela donne quoi? Un chiffre d’affaires qui progresse gentiment (+1,22% sur un an), tandis que la marge bénéficiaire (-0,38%) continue à couler. La dernière fois que les hôpitaux bruxellois et wallons ont affiché un résultat courant positif, c’était en 2016. Depuis, celui-ci navigue dans le négatif, se fixant à -35,83 millions d’euros l’année dernière, en baisse de 60% sur un an.
Si les chiffres prennent de plus en plus une teinte cramoisie, le constat global reste similaire, bon an, mal an. À la grosse louche, à Bruxelles et en Wallonie, voilà plusieurs années qu’un hôpital sur deux est dans le rouge. En 2020, ils étaient 48,65%: 9 institutions à Bruxelles (82%) et 9 en Wallonie (35%). Une proportion qui ne bouge guère si l’on prend un peu de recul; 18 hôpitaux affichent une marge négative sur les cinq dernières années.
ENSEIGNEMENT 2
Toutefois, même sur le plan financier, l’année 2020 aura été plus mouvementée que ce que ses comptes en laissent paraître. L’épidémie de coronavirus a malmené, en effet, les finances des hôpitaux. Elle a tiré les coûts à la hausse, qu’il s’agisse d’achat de matériel, de formation du personnel ou encore de la réorganisation imposée par la cohabitation des patients covid avec les autres, épargnés par le virus et devant le rester. Elle a également taillé sévèrement dans les recettes, notamment via le report de tous les soins non urgents durant la première vague.
C’est pourquoi le gouvernement fédéral est venu à la rescousse, débloquant 2 milliards d’euros d’avance de trésorerie versés en trois tranches. Avance qui est venue s’inscrire dans le compte de résultat, aux côtés du BMF, le budget des moyens financiers, à savoir la répartition, par institution, du budget global alloué par le Fédéral aux hôpitaux. L’idée? Colmater le plus rapidement possible les brèches ouvertes par la pandémie. En 2020, les hôpitaux bruxellois et wallons ont ainsi reçu 893,3 millions d’euros. À cela s’est ajoutée une aide exceptionnelle régionale: 10 millions à Bruxelles et 56,55 millions en Wallonie.
Autant dire que sans ce soutien financier, 2020 serait restée dans les annales.
ENSEIGNEMENT 3
L’intervention des autorités a donc permis au secteur hospitalier de boucler des comptes annuels aussi mauvais que d’habitude, si pas légèrement pires, mais pas catastrophiques non plus. Habituels, en somme. Ce qui ne veut pas dire que tout est réglé, loin de là. Il subsiste encore une sacrée dose de flou.
Dans un premier temps, l’avance fédérale a dû être considérée comme telle, et donc inscrite en dette à long terme. Puis est intervenu un premier décompte provisoire, portant sur le premier milliard et le premier semestre 2020. Décompte contesté par bon nombre d’hôpitaux qui, afin de pouvoir boucler leurs comptes 2020, ont formulé des projections pour la seconde partie de l’année et estimé la part de l’aide qu’ils devraient rembourser lorsque le décompte final sera effectué, en 2023. Pour ce faire, les hôpitaux bruxellois et wallons ont inscrit 287,7 millions en dettes à long terme dans leurs comptes 2020.
Un décompte est finalement arrivé, fin du mois de novembre 2021, pour le second semestre 2020. Il est porteur, selon un premier coup de sonde auprès des institutions, des mêmes défauts que son prédécesseur. On le voit, les comptes 2020 contiennent une solide dose d’incertitude quant aux montants qui devront être restitués. Et l'on parle là de 2020; pour 2021 et 2022, les hôpitaux n’ont pas la moindre idée de la sauce à laquelle ils vont être mangés.