En clair

Comprendre le libra, la cryptomonnaie de Facebook

Le 18 juin 2019, Facebook a dévoilé sa monnaie virtuelle globale, le libra, chamboulant au passage un monde de certitudes autour de la conception même d’argent. Eclairage pragmatique sur une potentielle révolution annoncée pour 2020.

Par Maxime Vande Weyer | 21 mars 2019

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Les questions

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Le libra, c’est quoi?

Le libra est une monnaie virtuelle mondiale reposant sur la technologie “blockchain” ou “chaîne de blocs”. Cette cryptomonnaie est le fruit d’une initiative du géant américain Facebook et d’un consortium d’entreprises baptisé la “Libra Association”. Elle sera indexée sur un panier de devises réelles (dollar, euro, yen, livre) afin de garantir une certaine stabilité de son cours et une convertibilité aisée en devises “réelles”.

Les 3 principes du libra:

  • 1. la sécurité des transactions financières, assurée par une "chaîne de blocs" mesurable, fiable et au code libre de droit ("open-source");
  • 2. la valeur de sa monnaie, garantie par une "réserve d'actifs tangibles stables";
  • 3. l'indépendance par rapport au système bancaire, par le biais de la "Libra Association".

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A quoi (qui) sert le libra?

Le libra rend possible les paiements en ligne et les transferts d’argent instantanés partout dans le monde, pratiquement sans frais. Les utilisateurs des services de messagerie de Facebook (WhatsApp, Messenger) pourront ainsi procéder à des transactions financières entre eux sans passer par une tierce application.

Il est probable que l’utilisation de libra soit étendue aux autres propriétés de Facebook (Instagram) ainsi qu’aux services proposés par les membres de la “Libra Association” tels que Uber, Spotify ou Booking.com (voir la question 5, “qui contrôle le libra”?).

1,7 milliard de personnes n’ont pas de compte bancaire (près d’1 adulte sur 3)

Selon Facebook, le libra est principalement destiné aux “exclus” du monde bancaire traditionnel. Sur terre, 1,7 milliard d’individus ne possèdent pas de compte en banque et le géant américain compte sur ses 2,4 milliards d’utilisateurs mensuels pour atteindre les déçus, les méfiants et les oubliés du système, en plus des autres, bien entendu.

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Comment ça marche?

Pour envoyer du libra, il faudra, dans un premier temps, procéder par l’intermédiaire de “Calibra”. Cette application compatible avec IOS et Android jouera le rôle de “portefeuille virtuel” et sera directement intégrée à WhatsApp et Messenger.

Une pièce d’identité sera nécessaire à l’inscription au portefeuille connecté. Après vérification, Facebook promet que transférer de l’argent sera, pour ses utilisateurs, “aussi facile qu’envoyer un message ou une photo”.

Par la suite, il est pressenti que le libra devrait être disponible par l’intermédiaire de plateformes partenaires telles que PayPal ou la plateforme d’échange de cryptodevises Coinbase.

Aperçu de l’interface du portefeuille virtuel. source: calibra.com

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Quelle est la différence avec le bitcoin?

Bien que les deux cryptomonnaies partagent la même technologie sous-jacente à leur fonctionnement, la comparaison s’arrête là.

Là où le réseau du bitcoin est composé de “noeuds” (serveurs) anonymes, nécessitant de coûteuses et longues vérifications (le “minage” de données), le libra repose sur une blockchain ou "chaîne de blocs" privée où chacun des membres de la Libra Association est en charge d’un "nœud" (un serveur) formant le squelette de la chaîne et permettant d’enregistrer les transactions. A la différence du bitcoin, l’identité des “noeuds” est garantie, permettant ainsi des transactions financières sécurisées et plus rapides.

La deuxième grande différence réside dans la stabilité du cours du libra. Etant adossé à un panier de devises réelles, son cours ne sera pas sujet aux mêmes fluctuations que celui du bitcoin, régi par l’offre et la demande. Cet ancrage permet au libra d’assurer une certaine stabilité de son cours et la constitution de réserves de monnaies garantit sa convertibilité en monnaies “réelles”.

Citation

Avoir déjà des gens de confiance aux nœuds réduit la complexité et le coût de la validation des transactions, au contraire du bitcoin où l’anonymat des nœuds est compensé par une coûteuse et complexe validation des transactions pour éviter tout risque de manipulation." Charles Cuvelliez, professeur à l’école polytechnique de l’ULB.

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Qui contrôle le libra?

La “Libra Association” est l’organisme en charge de la supervision du réseau de la monnaie. Concrètement, chaque membre est en charge de la sécurité à un “noeud” de la “chaîne de blocs”, assurant ainsi le maintien du réseau.

En plus, les membres élus du “conseil” de l’association veilleront à l’expansion du réseau et à la bonne gestion des réserves de change permettant la stabilité du libra.

Ce consortium à l’origine du projet regroupe pour l’instant, en ce compris Facebook, 28 entreprises issues de différents domaines d’activité (tech, paiements, télécoms, blockchain, capital-risque et ONG). L’objectif fixé par le groupe est d’atteindre une masse critique de 100 membres avant le lancement du libra.

Côté régulation, notons que ce projet titanesque nous amène à questionner la nature même de Facebook en tant qu’entreprise. Si, comme certains paraissent le penser, la société américaine continue sa transformation en banque centrale privée, les questions de responsabilités en matière de régulation s’annoncent autant inédites que délicates. Quoiqu’il en soit, avec la “Libra Association” pour groupe d’influence, on ne doute pas que le libra bénéficiera d’arguments de poids en sa faveur lors des joutes réglementaires à venir.

Les 28 membres fondateurs de la “Libra Association. source: libra.org

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Quelle est la stratégie de Facebook?

Facebook poursuit un objectif double:

  • 1) Diversifier ses activités et, par conséquent, ses sources de revenus. Avec le libra, l’entreprise espère que le trafic d’utilisateurs sur ses plateformes, et celles de ses partenaires, s’en trouve décuplé, augmentant ainsi les revenus publicitaires provenant des annonceurs, déjà responsables de près de 98% des recettes du groupe.

    La Libra Association prélèvera aussi un faible pourcentage sur les transactions effectuées par l’intermédiaire de Calibra (le portefeuille virtuel). Bien qu’inférieurs à ceux appliqués par les banques, ces frais constitueront une source supplémentaire de revenu pour Facebook, actionnaire du projet.
  • 2) Redorer son blason après les récents scandales liés à la vente de données de ses utilisateurs.

    Le géant de la tech cherche à s’effacer derrière une nouvelle identité visuelle et juridique (Calibra). Il crée une nouvelle marque, à but non lucratif et proche des “sans-banque”, censée inspirer la confiance et l’indépendance par rapport au système bancaire traditionnel.

Plus encore, derrière l’image humaniste que se donne le projet libra, Facebook s’entoure, par l’intermédiaire de la Libra Association, d’une foule d’alliés puissants et décuple ainsi son pouvoir d’influence tout en espérant faire oublier qui est à l’origine du projet.

Dans son “introduction” le libra se présente comme une révolution, pour tous. Source: libra.org

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