En clair

Epargner pour sa pension, mode d'emploi

Par Muriel Michel et Nicolas Becquet

Plus vous commencez tôt, même avec des montants limités, plus le résultat final sera spectaculaire. Mais encore faut-il se fixer un objectif, savoir par où commencer et quelle stratégie adopter en fonction de son âge. Votre plan d'épargne en 6 étapes

COMMENCER

Etapes et alternatives

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Définir son objectif final

Il est essentiel de toujours garder en tête l’objectif final de l’épargne: améliorer ou idéalement conserver son train de vie à la pension. «Le calcul que nous pouvons tous faire sur mypension.be (qui fournit une estimation du montant des pensions légale et complémentaire, ndlr) est édifiant, souligne Wim D’Haese, Head of Investment Advice chez Deutsche Bank. Il permet en effet de prendre conscience du ‘trou’ à combler pour 30 années de pension (moyenne) et de définir l’objectif à atteindre». 

Le responsable investissements de Deutsche Bank conseille également de procéder à un contrôle régulier de l’objectif à atteindre, car il arrive que les dépenses sur lesquelles on table augmentent ou diminuent au gré des aléas de la vie.

«Le capital ‘idéal’ à posséder à 65 ans pour vivre selon le standard moyen du Belge est de 500.000 à 800.000 euros, estime pour sa part Corentin Minne. En tablant sur un rendement normal, on pourra prélever une rente mensuelle comprise entre 2.000 et 3.000 euros jusque vers 80-85 ans. Évidemment, une personne qui a une pension plantureuse pourrait se contenter d’avoir 100.000 ou 200.000 euros de côté…

En revanche celui qui a une pension très faible devrait s’être constitué au minimum un capital de pension d’environ 500.000 euros (via un investissement immobilier, une épargne-pension, un deuxième pilier)».

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Se constituer un capital pension

La pension légale (1er pilier) et la pension complémentaire (2e pilier) représentent, en moyenne, 50 à 80% du dernier salaire. Pour ceux qui en ont les moyens, compléter ce dispositif par une épargne-pension individuelle encouragée fiscalement (3e pilier) et toute autre forme d’épargne (4e pilier) est donc un vrai must.

D’autant qu’un effort minimum durant la jeunesse aura davantage d’impact qu’un effort conséquent à un âge plus avancé, grâce à l’effet boule de neige des intérêts composés. «Si les produits enregistrent une belle performance au début, l’impact sur le résultat final peut être énorme», insiste Wim D’Haese.

Encore faut-il trouver la motivation nécessaire lorsque l’horizon est très lointain, ce qui n’est pas simple en début de carrière où les priorités financières sont souvent ailleurs.

L’âge moyen du lancement d’une épargne-pension est de 32 ans. Mais il est possible de commencer dès 18 ans. Et évidemment d’opter (aussi) pour des formules en dehors du cadre fiscal avantageux: comptes d’épargne, fonds de placement, produits d’assurance, immobilier…

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Privilégier les produits fiscalement déductibles

Alors certes, l’idéal est de commencer «asap», mais pour Corentin Minne, Founder partner chez Pareto (Financial planning), la stratégie en la matière doit principalement tenir compte de la situation personnelle et professionnelle de chacun. «Si vous commencez à travailler et que vous disposez d’une petite capacité d’épargne de 1.000 ou 1.500 euros par an, commencez par optimiser les placements fiscalement déductibles», suggère-t-il. Deux options:

1. L’épargne-pension:

Soit vous versez un maximum de 960 euros par an (2018), et vous bénéficiez d’un avantage fiscal de 30%. Vous récupérez ainsi 288 euros.

Soit vous versez un maximum de 1.200 euros par an et vous bénéficiez d’un avantage fiscal de 25% et vous récupérez 300 euros (nouveau plafond toujours pas connu). «Grâce à l’incitant fiscal, on est toujours avantagé par rapport à un placement identique».

Au-delà de 50-55 ans, il va falloir commencer à revoir vos plans. Lorsque la retraite approche, il faut progressivement basculer vers des formules plus défensives. Attention, il n’est pas possible de passer d’un fonds d’épargne-pension à une assurance épargne-pension. «Pour les formules de placements réguliers, on passe à un profil medium ou prudent», conseille Corentin Minne.

Si vous êtes engagé dans une épargne-pension classique, sachez que vous avez intérêt à continuer à l’alimenter jusqu’à vos 65 ans. En effet, la taxation du capital d’épargne-pension se fera à vos 60 ans. Mais les primes que vous versez ultérieurement ne seront plus taxées, alors que vous continuez à bénéficier de l’avantage fiscal.

2. L’épargne à long terme

Elle procure également un avantage fiscal de 30%. Cette niche fiscale est accessible soit via la souscription d’une assurance vie permettant d’épargner pour sa pension, soit via les remboursements d’un emprunt immobilier.

Lorsque l’on se lance dans la vie et qu’on achète un premier bien immobilier, le panier fiscal est souvent déjà rempli par l’emprunt. «À Bruxelles, on peut cependant combiner les deux! L’emprunt n’est désormais plus déductible, mais l’acquéreur profite d’une grosse réduction des droits d’enregistrement et conserve la possibilité de bénéficier de l’avantage de l’épargne à long terme tout en épargnant pour sa pension», observe Corentin Minne.

L’épargne-pension, c’est du (très) LONG terme

L’argent que vous versez dans une épargne-pension est immobilisé pour une période déterminée. En cas de rachat avant terme, la taxation est très pénalisante.

Avant de vous lancer, quel que soit votre âge, veillez donc à disposer aussi d’une réserve vous permettant de faire face à un besoin immédiat de liquidités pour couvrir des frais inattendus ou faire face à un coup dur.

«Attention, la sagesse populaire veut qu’on garde une épargne de précaution de 6 à 9 mois de salaire net», rappelle Keytrade Bank sur son module dédié au Keyplan.

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Se tourner vers les fonds

Si vous avez épuisé tous les investissements fiscalement avantagés et à condition de disposer d’un matelas de sécurité, vous êtes le candidat idéal pour les plans d’épargne en fonds.

Jusque vers 40-45 ans, on peut s’autoriser une approche dynamique, à condition d’opter pour des produits qui permettent de basculer en fin de parcours vers des formules plus défensives et éviter ainsi le risque d’un couac majeur qui engloutirait une grosse partie du rendement à 2 ou 3 ans de la pension. «Une épargne progressive et étalée sur 20 ou 30 ans lisse le risque. Et aujourd’hui, il faut accepter et oser prendre du risque sans quoi on végète entre 0 et 1%».

La prudence ne s’impose que si on a un horizon de placement limité. Il existe des formules flexibles, adaptables et peu coûteuses. «Mais attention aux frais d’entrée qui rongent les premières années de rendement, sans aucune valeur ajoutée», met en garde Corentin Minne, suggérant de privilégier les plateformes en ligne et les petites banques qui sont compétitives à cet égard (frais d’entrée réduits au minimum, comme chez MeDirect ou Keytrade Bank, par exemple) mais ne fournissent évidemment pas de conseil.

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Envisager l’immobilier

Lorsque vous avez une capacité d’épargne régulière comprise entre 500 et 1.000 euros par mois, le plus rentable et le plus sûr, dans l’optique de la pension, vu la faiblesse des taux, c’est l’immobilier.

Vous capitalisez un montant de 200.000 ou 250.000 euros qui est emprunté. Dès lors que le coût de l’emprunt (1,5 à 2%) est inférieur à ce qu’il vous rapporte (revenus locatifs de 3%), l’effet de levier devient positif. Et au final, vous détiendrez un capital sans équivalent avec ce que vous auriez amassé en mettant de l’argent de côté: un gain équivalent à un rendement annuel de 6 à 7%, pour un risque bien plus faible que sur les marchés d’actions».

Évidemment, cela reste théorique. Les banques ne prêtent pas 100% et il serait dangereux d’emprunter l’équivalent de sa capacité d’épargne. «Car en cas de vide locatif, de frais… c’est l’embardée».

Néanmoins, à partir du moment ou vous approchez de la pension ou lorsque vous êtes retraité, l’investissement immobilier deviendra plus complexe. Les banques chercheront en effet à limiter la durée du crédit ce qui réduira d’autant l’effet de levier.

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Valoriser son capital après la pension?

Une fois qu’ils ont touché le magot, beaucoup de pensionnés ont le réflexe de tout laisser sur un compte d’épargne au cas où. «Pourtant, qui a eu une telle somme disponible en une fois dans sa vie?», s’interroge Corentin Minne. Son message à leur adresse est le suivant: «si le comportement des produits de placement est difficilement prévisible, vous pouvez par contre prédire avec une relative certitude la somme dont vous aurez besoin dans les 5, 10 et 20 prochaines années!».

Admettons que dans les 10 prochaines années vous aurez besoin de 200.000 euros. Laissez 100.000 euros sur un compte à vue, placez-en 100.000 à 4 ou 5 ans, et le solde dont vous n’aurez absolument pas besoin, pourquoi ne pas investir dans l’immobilier ou faire des placements au nom de vos enfants? «Cela peut être le moment de privilégier davantage les considérations fiscales».