"Remember/Souvenir", l'ultime visite avec Denis Meyers

Par Mélanie Noiret et Nicolas Becquet

Photos: France Dubois

Voilà plus d'un an que l’artiste urbain Denis Meyers a investi l’ancien siège de Solvay, à Ixelles. Depuis lors, il a peint plus de 25.000 m² de ce bâtiment d’exception voué à la destruction et désormais inaccessible au public. L’Echo a parcouru "Remember/Souvenir" pour une ultime visite, ce carnet intime monumental autant qu’éphémère, mais aussi un concept global aux multiples ramifications artistiques, promotionnelles et commerciales. Visite guidée.

D’un côté, un bâtiment imposant, patrimoine architectural de Bruxelles, ancien siège de la société Solvay et voué à la destruction pour être remplacé par des logements de standing. De l’autre, Denis Meyers, un artiste urbain, typographe de formation, et accessoirement, petit-fils de Lucien de Roeck (Expo 58).

L’intervention du second dans les entrailles du premier a donné une œuvre monumentale, "Remember/Souvenir", soit 25.000 m² recouverts des dessins et textes que Denis Meyers a extrait de carnets personnels accumulés depuis 20 ans.

© France Dubois

Cette œuvre-performance, qui depuis le départ intègre la destruction à terme de son support, s’est développée au fil des mois pour devenir un concept global mêlant habilement les démarches artistique, promotionnelle et commerciale. Une œuvre fondamentalement intime et éphémère, mais dont de nombreux vestiges persisteront sous diverses formes… Pour se souvenir…

En attendant le premier assaut des grues, Denis Meyers continue son travail à l’abri du regard du grand public. L'Echo vous propose une ultime visite à 360°. Déplacez-vous dans l'image et de salle en salle, tout en écoutant les explications de Meyers.

"J'ai toujours travaillé avec le secteur privé et les marques"

© France Dubois

A l’origine, cette performance monumentale et intrinsèquement éphémère n’était pas censée être accessible au public. L’importante couverture médiatique couplée aux multiples reports d’octroi de permis, prolongeant ainsi la vie de l’œuvre, a ouvert la porte au développement d’un véritable concept combinant l’artistique, le promotionnel et le commercial.

Parmi les premiers intéressés, les propriétaires de l'immeuble, Immobel (ex-Allfin) et BPI, respectivement représentés par Marnix Galle et Jacques Lefèvre.

Selon le président d'Immobel, Marnix Galle: "Les retombées pour nous sont davantage morales que financières. C'est un véritable travail de mécénat". Quelques fragments de l'édifice «ornés» par Denis Meyers et choisis par la décoratrice Catleen Le Hardy servent d'éléments de déco dans les appartements témoins du projet Ernest (pour remplacer le bâtiment Solvay). Le projet Ernest inclut aussi la création de parcs semi-privatifs, dans lesquels il est déjà convenu de retrouver des dessins de Denis Meyers.

Pour le reste, on pourrait situer le point de départ au 22 avril 2016, date de vernissage de l'expo "Remember/Souvenir". Lancement bien choisi: en plein Art Brussels. Au total, 15.000 visiteurs entre avril et juillet. À côté de cela, quelques événements privatifs et une première vente dans la rotonde du bâtiment, où Denis Meyers avait accroché de manière muséale quelques pièces, dont certaines ont été vendues à des visiteurs.

Une deuxième (et dernière) vente, aux enchères cette fois, par la Maison Cornette de Saint-Cyr, a eu lieu le 29 octobre 2016: une quarantaine de lots (châssis, portes, cache-radiateurs...) ont été proposées, entre 300 et 12.000 euros. Il a été conclu, avec les promoteurs immobiliers, que tout ce qui portait la trace artistique de Denis Meyers lui appartenait.

Notons également les collaborations multiples, avec des photographes, des cameramen, des vidéastes et d'autres artistes... Ainsi, naîtra, parmi les quelques teasers, deux clips musicaux: avec Kid Noize et un autre avec Jain.

Sur le site web, une vingtaine de logos et de noms de marques (Duvel, Bernard-Massard, Maison Dandoy, Bellerose...). "La double porte d'entrée, pendant un temps, était recouverte des logos. Il s'agit de sponsors logistiques le plus souvent. En échange, ils peuvent utiliser les images du projet", explique Denis Meyers. "J'ai toujours travaillé avec le secteur privé, les marques. C'est quelque chose que je fais depuis longtemps, dans une démarche artistique et professionnelle. J'ai pu développer un tas de collaborations et de projets annexes, qui avaient vraiment du sens pour moi."