en clair

10 ans après la crise bancaire

Les leçons ont-elles été tirées?

11.09.2018 | Philippe Galloy, Marc Collet, Thomas Roelens

Après l'effondrement de Lehman Brothers en 2008, les banquiers centraux, les régulateurs et les politiciens ont tout mis en œuvre pour empêcher notre système financier de s'effondrer. Peu après, Fortis, KBC, Ethias, Dexia, notre monde bancaire implosait. Et aujourd’hui, les conséquences de la crise sont-elles réellement derrière nous?

Les dettes et déficits des Etats

La crise bancaire de 2008 est à l’origine de la crise suivante, celle des dettes publiques des pays de la zone euro. Alors que la dette publique de la zone euro était inférieure à 70% du PIB en 2008, elle a rapidement dépassé 80% après les diverses aides publiques accordées au secteur financier.

Déficit (en % du PIB)

Zone Euro Belgique

Dette (en % du PIB)

Zone Euro Belgique

La situation s’est aggravée quand les marchés ont commencé à douter de la pérennité de la zone euro et ont exigé des intérêts de plus en plus élevés pour les pays les plus faibles financièrement (Grèce, Portugal, Irlande, Espagne, Italie). Dans ces pays, la dette publique a grimpé en flèche jusqu’en 2014.

L’intervention de la Banque centrale européenne (notamment la promesse de son président Mario Draghi, à l’été 2012, de faire tout ce qui est nécessaire – « whatever it takes » – pour sauver la zone euro, et le programme d’achats d’obligations gouvernementales mis en œuvre à partir de mars 2015) ainsi que l’engagement des Etats à respecter un pacte budgétaire ont amélioré la situation progressivement par la suite.

Mais à l’heure actuelle, les traces laissées par la crise dans l’endettement des Etats sont encore bien visibles, en particulier en Grèce (dette de 178,6% du PIB en 2017), en Italie (131,8%) et au Portugal (125,7%). En Belgique, elle a culminé à 106,8% en 2014 avant de se réduire à 103% l’année dernière.

La protection de l'épargne

La crise bancaire a conduit les autorités belges à augmenter la protection des dépôts. Avant cette crise, celle-ci se limitait à 20.000 euros par client et par banque. En novembre 2008, alors que la confiance dans le système financier était ébranlée et que les premiers signes de retraits de dépôts se manifestaient, ce plafond a été porté à 100.000 euros, montant toujours en vigueur aujourd’hui. Le but était d’enrayer le mouvement de perte de confiance.

100.000 €

C’est le Fonds de garantie pour les services financiers qui est chargé de cette protection des dépôts. Ce fonds est alimenté par des cotisations des banques et l’objectif est d’atteindre, d’ici 2024, 0,8% des dépôts couverts. En 2010, la Banque nationale estimait ces dépôts à plus de 244 milliards d’euros. Inutile de préciser qu’avec 0,8% de ce montant, soit un peu moins de 2 milliards d’euros, le Fonds de garantie ne pourrait pas répondre à lui seul à une faillite d’une grande institution financière belge. En attendant, c’est l’Etat belge qui serait redevable de la garantie…

Par ailleurs, une protection des placements en assurances vie à taux garanti a également vu le jour. Auparavant, seuls les placements bancaires étaient concernés. Mais en octobre 2008, les difficultés de Dexia ont rejailli sur Ethias, qui est à l’époque l’un des principaux actionnaires du groupe bancaire. Résultat: la méfiance s’installe à l’égard de l’assureur. Pour ramener, ici aussi, la confiance, la protection des dépôts est élargie aux compagnies qui en font la demande. De nos jours, tous les assureurs qui proposent des produits de la branche 21 sont membres du fonds de garantie.

Les frais bancaires

La crise bancaire a-t-elle fait grimper les frais que les banques belges appliquent à leurs clients? D’après les statistiques officielles, cela ne semble pas être le cas. Dans l’indice des prix à la consommation, la composante des prix des services bancaires n’a progressé «que» de 13,4% entre fin 2007 et juillet 2018, alors que, dans le même laps de temps, les prix à la consommation, dans l’ensemble, ont grimpé de 22%.

De plus, entre 2008 et 2013, années marquées par la crise bancaire et la crise de la dette publique en zone euro, les frais bancaires n’ont progressé que de 2,3% en Belgique. C’est dans les années suivantes, à partir de 2014, qu’une sorte d’effet de rattrapage s’est produit. Or, c’est en 2014 que les taux d’intérêt ont commencé à baisser fortement en zone euro, y compris en Belgique.

evolution des prix des services bancaires

À l’époque, des taux d’intérêt négatifs à court terme ont fait leur apparition sur les marchés et les taux à long terme se sont également tassés, ce qui a placé les marges des banques sous pression: rappelons que celles-ci se paient sur la différence entre, d’une part, les taux à long terme des prêts qu’elles octroient et, d’autre part, les taux à court terme des placements qu’elles rémunèrent. Par conséquent, la récente hausse des frais bancaires serait surtout, pour les banques, une compensation partielle du manque à gagner au niveau de leur marge d’intérêt.

La Bourse sur 10 ans

Il avait fallu 15 années à la Bourse du Nasdaq pour effacer la crise des valeurs internet de 2000. A peine 4 ans à l’indice Dow Jones de Wall Street pour gommer la crise financière de 2008-2009. En 2013 déjà, ce vénérable indice créé à la fin du XIXe siècle avait retrouvé son sommet de 14.164,5 points atteint en octobre 2007. Depuis le plancher atteint au plus fort de la crise en mars 2009, il a rebondi de 116% ! La suite, on la connaît. Le Dow Jones s’est encore adjugé jusqu’à 10.000 points pour se situer aux alentours des 24.000 points de nos jours.

Les Bourses en Europe n’ont pas été en mesure de suivre un tel rythme.Il a fallu attendre l’année 2015 pour retrouver les niveaux d’avant-crise (405 points), sans parvenir à s’y accrocher bien longtemps. Les soucis financiers et budgétaires des pays de la zone euro et la montée des mouvements populistes y sont pour quelque chose. Autre belle prestation au tableau de la Bourse de New York, son secteur bancaire a rebondi de 600% depuis mars 2009 ! En Europe, il n’est remonté que de…70%.

Evolution comparée du secteur bancaire US/EU depuis mai 2007

S&P500 BANKS STOXX EUROPE 600 BANKS