Catherine Mommaerts, Nicolas Becquet et Anthony Dehez
Jeudi 25 mai, Donald Trump sera à Bruxelles pour assister au Sommet de l'Otan. La base militaire de Chièvres est l'une des positions avancées des Etats-Unis en Europe. Visite guidée exclusive de ce petit morceau d'Amérique au coeur du Hainaut.
Scrollez pour lire la suiteLa Belgique a l'habitude d'être rappelée à l'ordre par Washington pour ses faibles dépenses militaires. Sauf que participer à l'effort commun, c'est aussi accueillir sur son sol des quartiers généraux, comme ceux de l'Otan et du Shape ou encore la garnison et la base de Chièvres.
Au total, pas moins de 800 personnes travaillent sur cette base militaire située à un jet de pierre du centre de Chièvres. D’un côté de la Grand’Rue se situe l’aérodrome où atterrit le jet du Commandant suprême des forces alliées en Europe (Saceur) lorsqu’il se rend au Shape, situé à 20 kilomètres de là. De l’autre, il y a la caserne Daumerie qui abrite les bureaux de la US Army Garrison Benelux.
Ici, la police militaire américaine monte les drapeaux américain et belge tous les matins à 6 heures. Et elle les redescend tous les soirs à 17 heures pile… au son du clairon.
Ce qui frappe lorsque l’on arrive à la caserne Daumerie, c’est la sérénité des lieux. Cet ensemble de maisonnettes bordées d’arbres et de pelouses fait davantage penser à une paisible banlieue qu’à une base militaire.
Les lieux semblent déserts. Mais au détour d’une rue, on surprend des soldats américains en pleine répétition pour les cérémonies du Memorial Day qui se tiendront fin mai dans les cimetières américains de Belgique. Le soldat le plus haut gradé porte le drapeau américain. Le second porte les couleurs belges. Les gestes sont hésitants. C’est la première fois que ces quatre-là s’exercent ensemble.
La base de Chièvres ressemble à un village. Elle a sa chapelle, ses fast-foods, son garagiste, sa banque, son centre sportif. Pas d’école en vue, toutefois. L’école américaine la plus proche se trouve dans les installations du Shape. Quant au supermarché, ce temple local du made in USA, seul le personnel américain peut s’y rendre. C’est qu’ici, tout est vendu hors taxe.
A midi, la petite zone de restauration située à côté du supermarché se remplit de monde. Le choix est plutôt limité. Il y a les traditionnels snacks à pizzas et à kebabs. Mais il y a aussi le seul Burger King de Belgique (pour l’instant). Le personnel belge est le bienvenu. A condition de payer en dollars.
Un autre lieu de rendez-vous sur l’heure du midi, bien plus sain, c’est la salle de fitness adjacente au hall omnisport. Les installations sont accessibles au personnel militaire, mais aussi aux civils qui travaillent sur la base, américains comme belges.
Je viens ici six fois par semaine. Ça me permet de rester prêt au combat.
Sergent Brandon Meyer, brigade canine de la police militaire
Qu’il s’agisse de trouver un logement hors de la base, d’inscrire son enfant dans une école, de trouver ses marques à Mons ou même d’apprendre à prendre les bus du Tec, le service «Moral Welfare Recreation» de la garnison est là pour accompagner les Américains qui arrivent à Chièvres.
Le MWR organise aussi des visites en Belgique et des voyages en Europe. Puis il y a les fêtes américaines comme le «trick or treat» d’Halloween organisé sur le parking du centre commercial de la base. Mais l’activité la plus prisée, c’est le voyage à Londres pour aller assister au match que donne chaque année la NFL (ligue de football américain) à Wembley, explique Stacy Perez, la directrice du MWR.
Le rôle du sergent Brown sur la base aérienne, c’est de guider et assister les avions qui atterrissent à Chièvres. Le jeune-homme est arrivé il y a un an. La Belgique faisait partie des pays où il espérait être affecté.
J’habite hors de la base et j’aime ça. Il y a quelques mois, il y a eu une compétition de crossage (une sorte de croquet) en face de chez moi. Je l’ai regardée en buvant une Duvel.
Sergent Brown, mécanicien avion
On a beau se trouver dans une base militaire américaine, ici, la moitié du personnel est belge. Jardiniers, ouvriers, gardes, la plupart sont originaires de la région. Dans les bureaux aussi, on croise de nombreux Belges.
L’armée américaine est un très bon employeur. Elle offre une certaine sécurité d’emploi. Et, même en tant que Belge, on peut évoluer, grimper les échelons.
Brigitte Gabreau, service des embauches
Nous ne pourrions pas remplir notre mission sans les Belges. Les Américains ne restent ici que 3 à 5 ans. Ce sont les Belges qui connaissent le mieux la base.
Colonel Connell, Commandant de la garnison
La US Army Garrison Benelux, le nom exact de la garnison de Chièvres, s’occupe du soutien aux militaires américains basés à l’Otan, au Shape, ainsi que sur les bases de l’Otan de Brunssum aux Pays-Bas et de Geilenkirchen en Allemagne. Elle doit également gérer trois nouveaux sites d’entreposage de matériel militaire américain, dont celui de Zutendaal qui vient d’être inauguré dans le Limbourg.
Administrativement parlant, la garnison fait partie d’une unité de l’armée américaine basée à San Antonio (Texas), la US Army Installation Management Command. Cette unité dirige six autres garnisons en Europe (cinq en Allemagne et une en Italie).
Mais d’un point de vue purement militaire, la US Army Garrison Benelux dépend du commandement de la 7ème armée américaine (basée à Wiesbaden, en Allemagne), la composante terrestre du Commandement des forces des Etats-Unis en Europe.
Le colonel Connell, c’est un peu le bourgmestre de la garnison de Chièvres. C'est lui qui dirige tous les services de la base, même ceux de la maintenance. Avant de venir dans le cadre bucolique de Chièvres, il avait déjà été basé en Corée du Sud et avait combattu à deux reprises en Irak (en 2006-2008 et en 2009-2010).
Découvrez le bureau du colonel à 360°Si la piste de la base de Chièvres appartient à l’Otan, l’aérodrome, lui, est géré par la Force Aérienne américaine. Les lieux, relativement déserts, peuvent accueillir jusqu’à une douzaine d’avions par jour, même si aucun appareil n’y reste stationné. L’aérodrome est principalement utilisé pour les déplacements du Saceur, le Commandant suprême des forces alliées en Europe, et lorsque des «VIP’s» se rendent au Shape.
Un jet attend justement sur le tarmac l’autorisation de décoller. C’est le sergent Sayas qui dirige la manœuvre depuis la tour de contrôle. Au loin, on entend les coups de canons destinés à faire fuir les oiseaux attirés par les champs bordant la piste. Le sergent Sayas autorise alors le décollage et se coordonne avec Belgocontrol qui prend le vol en charge dès que l’avion quitte l’espace aérien de la base.
La tour de contrôle à 360°L’année prochaine, la garnison quittera les locaux de la caserne Daumerie dans un souci d’économies. Mais elle n'ira pas très loin, elle s'installera de l’autre côté de la rue, à côté de l’aérodrome. Un regroupement qui permettra au Pentagone d’économiser 2 millions de dollars par an.
Mais, pas question de quitter Chièvres même si les Etats-Unis semblent se polariser davantage sur ce qui se passe bien plus à l’Est. Le Colonel Connell le certifie: «L’armée américaine veut maintenir une présence substantielle en Europe et nous ne voulons pas mettre toutes nos ressources en un seul endroit.»
Photos: Anthony Dehez
Vidéos: Nicolas Becquet
Design et développement: Raphael Cockx et Thomas Roelens